Tresserre, Pyrénées-Orientales. Pierre Escudié (à gauche) a installé une pergola équipée de persiennes photovoltaïques, conçue par l’entreprise Sun’Agri, représentée par Alexandre Cartier (à droite). © LP/Christian Goutorbe
Article publié le 5 novembre 2022 dans le Parisien par Christian Goutorbe.
L’agrivoltaïsme concilie protection des cultures et production d’énergies renouvelables. Pionnier de cette pratique, Pierre Escudié, vigneron à Tressere (Pyrénées-Orientales), n’y voit que des avantages.
C’est le chantier au domaine viticole de Nidolères, à Tresserre (Pyrénées-Orientales). Des engins préparent une parcelle de 3,8 ha de vigne à planter… et à protéger. Des camions gros porteurs acheminent des panneaux photovoltaïques de dernière génération qui vont produire du courant (puissance de 3 mégawatts/crête) tout en proposant, aux heures caniculaires, un refuge d’ombre et de fraîcheur au pied des vignes.
C’est le deuxième contrat d’agrivoltaïsme pour Pierre Escudié, vigneron indépendant. Il a été considéré comme un hérétique lorsqu’il a fait installer ses premières pergolas géantes. Ce n’est plus le cas : l’électricité produite sur la première parcelle qu’il a fait équiper avec une puissance installée de 2,1 mégawatts-crête équivaut à la consommation annuelle d’un village de 650 foyers.
« J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’inconvénient ou de point négatif à ma première expérience sur 4,5 ha de vigne. Les raisins récoltés en 2021 ont donné un vin de grande qualité, riche en acidité et avec un PH très stable.Les vignes n’ont pas souffert de cet été caniculaire. On a pu les protéger aux heures les plus chaudes. Et au moment de la période clé du débourrement de la vigne, au printemps (quand les bourgeons des ceps s’ouvrent), on a bénéficié de 98 % de la capacité d’ensoleillement grâce à la mise en position verticale des panneaux photovoltaïques », raconte Pierre Escudié.
L’agriculteur ne paie rien, mais ne revend pas l’électricité
Pour le viticulteur, c’est une opération blanche financièrement car il ne paie rien pour l’installation et ne revend pas lui-même l’électricité produite. C’est l’entreprise Sun’Agri qui assure la conduite du projet et supervise le montage de la structure pour le compte de Rgreen Invest qui assure ensuite la gestion au quotidien de cette ferme-pergola. Le courant est revendu à EDF à un tarif fixé par le cahier des charges publié par le ministère de la Transition écologique, entre 8 et 10 centimes le kilowatt/heure.
« Les installations agrivoltaïques que nous réalisons sont ensuite exploitées dans le cadre d’un contrat de trente ans avec prise en charge du démantèlement si le besoin s’en fait sentir, explique Alexandre Cartier, responsable de la filière viticulture chez Sun’Agri. L’agriculteur bénéficie, lui, de la technologie installée, des capteurs et du service pilotage des persiennes photovoltaïques pour assurer une protection climatique optimale. »
Sun’Agri, leader de ce secteur d’avant-garde, a obtenu 75% des appels d’offres nationaux de la Commission de régulation de l’énergie en 2021, qui représentaient 120 ha.Et depuis la fin des dernières vendanges, l’entreprise est littéralement assiégée par les demandes de partenariat.
Utile aussi contre les coups de froid
De son côté, Pierre Escudié est devenu aujourd’hui un exemple à suivre pour faire face au réchauffement climatique et à la transition énergétique. En cette journée d’octobre, des producteurs sont en visite chez lui pour s’informer. Sylvain Costes, producteur de la coopérative Héraclès, à Vergèze (Gard), parle du véritable « coup de chalumeau » de 2019. Il cherche, avec son père, toutes les solutions pour éviter de se retrouver désarmés à la prochaine alerte à plus de 48°C en plein soleil.
François Jaubert, vigneron de Ponteilla, confie : « Sur mes parcelles bios les plus exposées, j’ai une perte de rendement due aux fortes chaleurs et aussi une perte d’exploitation. Je ne pourrai pas continuer longtemps comme ça. L’agrivoltaïsme me séduit. »
À 10 km de là, à Llupia, Pierre Batlle a sauté le pas sur sa parcelle de 2,3 ha de poiriers de la variété Harrow Sweet. « Sur cet été nous avons relevé que la protection solaire nous permettait de faire baisser la température de 10°, de passer par exemple de 48°C à 38°C alors que le seuil fatidique est de 40°C. À cette température-là, l’arbre se met en sécurité pour survivre. Il bloque son mécanisme de photosynthèse et ne favorise plus la pousse des fruits. Autre avantage, l’ombre des panneaux positionnés à l’horizontal réduit les besoins en irrigation, se réjouit-il. Et, cerise sur le gâteau, en hiver ou au printemps, à l’heure du gel, sous les ombrières, on gagne également 2° qui peuvent être déterminants pour les végétaux. »
Un remède contre les coups de chaud… et les coups de froid !
Retrouvez l’article original publié le 5 novembre 2022 dans le Parisien