Tribune publiée dans Les Echos le 27/10/2023.
La loi de mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable (APER) a défini les principes de l’agrivoltaïsme. Six mois plus tard, un décret d’application en fixera le sort. Cinq acteurs de l’agritech plaident pour maintenir la vocation agricole première de cette technologie d’avenir.
Le terme et la pratique de l’agrivoltaïsme sont nés en France il y a une quinzaine d’années. L’idée : face aux conséquences du réchauffement climatique, concevoir des dispositifs photovoltaïques de telle sorte qu’ils ne concurrencent pas l’activité agricole de la parcelle, mais au contraire l’améliorent et renforcent ainsi notre souveraineté alimentaire. Depuis, toute une filière de l’agritech française a investi et développé des infrastructures, des logiciels et des savoir-faire agronomiques qui répondent à cette exigence.
Dans un contexte d’accélération dramatique des changements climatiques, des délégations et médias internationaux visitent régulièrement les sites agrivoltaïques français, véritables outils de protection climatique. Les résultats prouvent les nombreux bénéfices que l’agrivoltaïsme peut apporter à l’agriculture : diminution des besoins en irrigation et des pertes lors d’aléas climatiques, maintien voire augmentation des rendements agricoles, amélioration de la qualité des productions animales et végétales, conservation de la typicité des vins, amélioration de la biodiversité.
Amélioration de la production agricole
En France, l’enjeu est énorme : le changement climatique surprend par son ampleur et oblige l’agriculture à se tourner urgemment vers des solutions d’adaptation climatique. Dans ce contexte, l’agrivoltaïsme est un candidat particulièrement bienvenu : il protège et améliore les productions agricoles tout en participant à la transition énergétique, et ceci de façon rentable et sans coût caché pour la collectivité et les agriculteurs.
« En équipant moins de 2 % de la surface cultivée française en systèmes agrivoltaïques de nouvelle génération, on peut produire l’équivalent en électricité de tout notre parc électronucléaire actuel, sans aucune baisse de la production agricole », démontrait récemment le chercheur de l’Inrae Christian Dupraz. D’ailleurs, le modèle inspire et s’exporte déjà. Israël lance un vaste programme pour déployer au plus vite ces technologies à l’échelle du pays, tandis que l’Italie y consacre 1,1 milliard d’euros de soutien.
Nos sénateurs et députés l’ont compris et ont inscrit dans le marbre de la loi la mission agricole première de l’agrivoltaïsme, qui doit contribuer « durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ». Selon la loi, cette production agricole doit rester l’activité principale de la parcelle et garantir à l’agriculteur un revenu durable en étant issu.
Agriculture et projets alibis
La loi APER est une avancée majeure, nous attendons aujourd’hui que les décrets d’application en cours de rédaction puissent poursuivre cet élan : continuer à défendre une pratique agricole de l’agrivoltaïsme, et ainsi limiter les risques de contre-références. En France, des territoires et associations ont déjà alerté de ce danger : certains ont vu sur leurs terres se multiplier des projets alibis où l’on ne récolte que des kilowattheures. Certaines voix s’élèvent contre le gigantisme de ces projets pour lesquels la rente photovoltaïque est vue comme un remède attractif à la crise agricole et où la production agricole ne jouerait plus qu’un rôle secondaire. Elles ont raison.
Les solutions existent pour maintenir et même améliorer la production agricole sous et entre les panneaux, tant en qualité qu’en quantité. L’agrivoltaïsme ne sera durable que s’il permet en premier lieu aux agriculteurs de mieux vivre de leur activité agricole, et en second lieu seulement de partager des revenus complémentaires liés à la production électrique. N’inversons surtout pas ces priorités, ce qui serait désastreux pour le monde agricole et pour l’acceptabilité des projets dans les territoires.
Limitons également la surface des projets agrivoltaïques, pour mieux les répartir sur le territoire. Nous voyons le risque dans les décrets en préparation que des compromis trop grands soient faits au détriment de rendements agricoles déjà fragiles. Dans un contexte d’effondrement climatique, l’agrivoltaïsme est une chance pour la souveraineté alimentaire.
Les signataires :
Antoine Nogier, Président, Sun’Agri
Mathieu Debonnet, Président, TSE
Louis Maurice, Président, OKwind
Lucas Pendola, Head of International Sales, Next2Sun
Xavier Bodard, Président, Davele
Mathieu Ackermann,Co-fondateur Insolight