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/ 16 janvier 2024

Consultation publique sur l’agrivoltaïsme : la réponse de Sun’Agri et OKWind

Consultation publique décret sur l'agrivoltaïsme

Favoriser la souveraineté alimentaire en protégeant la production agricole

 

Lien vers la réponse complète de Sun’Agri et OKWind (12 pages)

Lien pour répondre à la consultation publique

L’article 54 de la loi APER définit l’agrivoltaïsme comme un outil agricole, conformément aux positions du gouvernement et du législateur qui ont fait de la souveraineté alimentaire leur priorité lors des débats parlementaires. En cohérence avec cette ambition, la perte de rendement autorisée par le décret d’application sous les installations agrivoltaïques est ainsi limitée à 10% : un signal fort que nous saluons, indispensable pour la protection de notre souveraineté alimentaire. Cependant, cette vocation agricole est aujourd’hui remise en question par plusieurs autres modalités d’application du présent décret.

    • Tout d’abord, comment expliquer que les serres et l’élevage soient exonérés de l’obligation de rendement ? De nombreuses serres photovoltaïques sont aujourd’hui vides et considérées comme des alibis à de la production photovoltaïque, alors qu’il est possible d’améliorer le rendement sous serres agrivoltaïques. Le risque de projets alibis en élevage est lui aussi très fort : comment distinguer dans ces conditions un projet où les moutons sont introduits pour tondre l’herbe sous les panneaux d’un projet où les panneaux vont servir la production fourragère et animale ?

 

    • Ensuite, le projet de décret marque le choix d’une mise en œuvre sur le terrain avec un contrôle a posteriori plutôt qu’un principe de précaution. Or le contrôle a posteriori du critère de perte de rendement laisse ouvert le risque de contre-références. Un garde-fou tel que le taux de couverture défini par INRAE (principe de précaution issu de l’état de l’art) permettrait de limiter ces risques en appliquant des critères cohérents avec les objectifs de rendement. Cette règle du taux de couverture serait aussi un guide simple et utile pour l’analyse des services déconcentrés de l’Etat et des CDPENAF. Elle accompagnerait les territoires, alors que l’on observe actuellement des fortes réticences, certaines formulées dans des tribunes publiques. De plus, si d’aventure des services instructeurs décident d’appliquer une règle de couverture en local dans leurs territoires, quelle valeur juridique aurait cette doctrine ? Les décisions en étant issues ne seront-elles pas attaquées par des porteurs de projets, laissant le juge arbitrer et, in fine, la discorde, nourrie par la défiance, s’installer dans les territoires ?

 

    • Le projet de décret prévoit ainsi comme seul garde-fou un taux de couverture limité à 40% – seuil largement supérieur aux recommandations des experts scientifiques et impliquant des dégradations de rendement majeur – et sans aucune limite pour les projets de capacité inférieure à 10 MWc. Ce seuil de 10 MW correspond environ à 12 hectares soit 17% de la surface d’une exploitation moyenne française : une valeur qui paraît très élevée et de nature à déstabiliser le principe de production agricole significative. Nous nous posons la question de la raison d’être de ce seuil : chaque hectare de surface agricole utile n’est-il pas à protéger ? Comment couvrir le risque de saucissonnage ou de phasage des projets en unités de 10 MW ? Il aurait été sans doute été préférable de prévoir des taux de couverture plus élevés dans le cas de projets expérimentaux et sous réserve de conditions strictes.

 

  • Pour finir, l’instruction des projets agrivoltaïques prévue en préfecture dépossèderait les mairies de leur pouvoir d’approbation des installations agrivoltaïques sur leurs propres territoires, malgré la loi définissant l’agrivoltaïsme comme outil agricole.

Ainsi, la publication de ce texte en l’état risquerait pour les raisons présentées ci-dessus de multiplier les projets « alibis » et contre-références, ce qui compromettrait gravement l’appropriation des projets agrivoltaïques dans les territoires, alimenterait les mouvements d’opposition déjà existants et mettrait à risque l’avenir de la filière agrivoltaïque.

 

Risques identifiés et recommandations

Les différents risques et recommandations synthétisés ci-dessous sont détaillés dans la note complète de consultation, dont le lien est joint en haut de ce commentaire.

  1. Un taux de couverture trop élevé, voire illimité, provoquerait inévitablement un effondrement des rendements agricoles

Les paramètres de limitation du taux de couverture proposés dans le décret sont parfaitement incompatibles avec l’objectif de rendement agricole, limité à 10% : un taux de couverture de 40%, selon la définition du projet de décret, impliquerait selon l’INRAE une chute de rendement agricole estimée à 40%.

Recommandations :

  • Appliquer la méthodologie de calcul du taux de couverture proposée par l’INRAE et limiter ce taux de couverture « ajusté » à 25%, en utilisant la surface de panneaux pour calculer le taux de couverture.
  • Appliquer une limite de taux de couverture à toutes les installations, indépendamment de la puissance installée.
  • Permettre une exception pour les technologies laissant passer plus de lumière sur la parcelle (panneaux semi-transparents, pilotage agronomique, …) et prévoir certains mécanismes dérogatoires, à la main de la préfecture, pour permettre des expérimentations (de taille limitée) avec de plus fortes densités de panneaux.
  1. Les installations agrivoltaïques d’élevage et sur serre sont exonérées d’obligation de rendement minimale, sans raison valable, ce qui induit des risques de dérives importants

Rien ne justifie que l’élevage et les serres soient exemptés d’obligation de rendement car ces structures sont également contraintes par la loi d’avoir une production agricole significative. Ces critères peu contraignants du décret favorisent injustement les projets sur serre et sur élevage et les risques de dérives.

Recommandation : Restaurer les objectifs de maintien de rendement pour les installations agrivoltaïques d’élevage et sur serre, limités à 10% de perte.

  1. Une exonération de zone témoin est obtenable pour de nombreux motifs et donc risquée

L’exonération de zone témoin est justifiée pour technologies éprouvées, et compréhensible pour les installations sur élevage car difficile à appliquer. Néanmoins, les autres exonérations (serres, cas d’installation similaire en local, ou cas d’incapacité technique) représentent des risques de dérives injustifiés. Les zones témoins sont essentielles à la collecte de données fiables, pour permettre ainsi la qualification des technologies éprouvées, la prévention des risques de fraudes et de dégradation de l’activité agricole, et le maintien de l’avance mondiale de la France sur ce secteur.

Recommandations :

  • Rétablir l’obligation de zone témoin pour les serres
  • Limiter les installations exonérées de zone témoin aux projets de couverture inférieure à 25% en cas d’installation similaire au niveau départemental ou régional ou en cas d’incapacité technique.
  1. La remise en activité d’un terrain agricole inexploité depuis plus de cinq années ne peut pas être une condition suffisante à l’amélioration du potentiel agronomique

Cette disposition représente un risque important de contournement en cessant volontairement de cultiver des terrains, pour répondre ensuite de manière automatique au critère de qualification agrivoltaïque sans apporter aucun service à l’activité agricole.

Recommandation : Supprimer cette disposition du décret.

  1. Les contrôles doivent être plus flexibles pour garantir la bonne application de la loi et des décrets

Tout contrôle annoncé est sans portée. Il est nécessaire de permettre des contrôles inopinés, dont la fréquence peut être modulée en fonction des technologies (selon qu’elles sont éprouvées ou pas), ou d’incidences négatives notables suspectées ou identifiées.

Recommandation : Permettre des contrôles inopinés et conserver les fréquences de contrôles selon les cas en tant que fréquence moyenne cible par catégorie.

  1. Le projet de décret prive les mairies de la délivrance de permis de construire, compromettant l’appropriation des projets dans les territoires

Recommandation : Les projets de petites tailles doivent pouvoir bénéficier d’une instruction en mairie, en conformité avec le régime dérogatoire accordé aux installations nécessaires à l’exploitation agricole (Code de l’urbanisme).  Seul à définir, pouvant être fixé à 10 MW ou 40 000m² de panneaux.

  1. L’autoconsommation, levier de pérennisation de l’activité agricole et d’appropriation dans les territoires, n’est pas suffisamment valorisée dans le décret

Recommandation : Faciliter la mise en place d’infrastructure photovoltaïque à proximité des bâtiments agricoles, à condition de répondre à un besoin d’autoconsommation et de ne pas perturber l’activité agricole.

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