
Et si l’avenir de l’agriculture passait par le soleil ? Face à l’urgence climatique et aux impératifs de transition énergétique, le monde agricole cherche de nouveaux leviers. Dans ce contexte, l’agrivoltaïsme se distingue comme l’un des plus prometteurs. Cette approche novatrice redéfinit la relation entre nature et technologie en combinant production agricole et production d’énergie solaire sur une même surface. En partageant les clés de compréhension de cette innovation agricole, cet article éclaire les contours d’un concept encore flou pour beaucoup : définition, origine, fonctionnement, bénéfices concrets et précautions à connaître avant de s’engager.
Mieux comprendre l’agrivoltaïsme : une technologie agricole encore méconnue
Le baromètre sur l’agrivoltaïsme de Sun’Agri a mis en lumière le fait que seulement ⅔ des agriculteurs et 20 % des français s’estiment bien informés sur cette innovation agricole. Commencer par une définition simple et précise de l’agriculture photovoltaïque semble alors important.
En pratique, l’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux solaires au-dessus de parcelles agricoles. Contrairement aux installations photovoltaïques traditionnelles posées au sol, cette technologie n’empiète pas sur l’activité agricole, mais la complète. Cette nouvelle approche permet ainsi d’améliorer la production agricole en protégeant les cultures des aléas climatiques, tout en produisant de l’électricité verte.
La définition strictement agronomique et technique retenue distingue donc l’agrivoltaïsme du photovoltaïque conventionnel sur un terrain agricole qui peut entraîner une artificialisation des sols. L’agrivoltaïsme suppose une réelle synergie entre les deux usages : l’un ne se fait pas au détriment de l’autre. On se trouve vraiment dans le cas de figure où 1+1 = 3. Grâce à la complémentarité, on multiplie le rendement.
Pour mieux assimiler les enjeux et les termes spécifiques de cette nouvelle forme d’agriculture, le lexique complet de l’agrivoltaïsme compile toutes les informations pertinentes sur ce sujet. N’hésitez pas à vous y référer au besoin.
Une agriculture photovoltaïque issue de la recherche française
Si le principe de superposer panneaux solaires et cultures est évoqué dès le début des années 1980, l’agrivoltaïsme ne prendra son envol comme discipline à part entière que 30 ans plus tard. En France, cette avancée repose notamment sur les programmes de recherche conjoints de l’INRAE et de Sun’Agri qui s’attachent à tester, mesurer et ajuster les interactions entre végétal et technologie dès 2009.
Cette collaboration a permis à la France d’être le premier pays au monde à développer un prototype expérimental agrivoltaïque à Montpellier. Grâce à ce dispositif, les chercheurs ont pu tester et valider le rôle protecteur de l’ombrage mobile face aux stress climatiques. Ces démonstrateurs ont ensuite évolué vers des installations à échelle réelle, avec 3 enjeux à concilier:
- rigueur agronomique;
- performance énergétique;
- respect des usages agricoles.
Domaine de Nidolères : un démonstrateur clé pour l’agrivoltaïsme viticole
Dans les Pyrénées-Orientales, le Domaine de Nidolères offre un exemple emblématique de la manière dont l’agrivoltaïsme peut répondre aux pressions climatiques. Sur cette exploitation familiale, une ancienne parcelle viticole a été réhabilitée grâce à l’installation de panneaux solaires dynamiques et adaptés aux besoins des vignes.
Ce dispositif, déployé sur 4,5 hectares avec l’appui de Sun’Agri, a permis de protéger les cépages face aux effets du changement climatique : stress hydrique, maturité précoce des raisins, déséquilibre des arômes et hausse du taux d’alcool. Les résultats obtenus sur les parcelles équipées parlent d’eux-mêmes : les besoins en irrigation ont diminué de 20 à 70 %, tandis que les rendements ont progressé de 10 à 60 % en fonction des cépages et des régions.
Ce projet pionnier montre comment une installation bien conçue peut redynamiser un terroir, renforcer la résilience d’une culture et offrir un modèle reproductible.

©Olivier Bolte
Comment fonctionnent les panneaux solaires agricoles intelligents ?
Loin des clichés, l’agrivoltaïsme repose sur une technologie fine, bien éloignée de l’image figée que l’on pourrait avoir des champs de panneaux solaires. Les systèmes les plus aboutis sont d’ailleurs équipés de trackers solaires intelligents. Les panneaux solaires agricoles s’adaptent en temps réel à la position du soleil, aux conditions météo et aux besoins des cultures.
Sur le plan technique, ce pilotage dynamique permet de moduler l’ombrage pour protéger les plantes des excès de chaleur ou de rayonnement tout en garantissant leur bon développement. Chaque système est ajusté au type de culture (vigne, arboriculture, maraîchage) et aux conditions climatiques locales, en jouant sur la hauteur, l’espacement ou l’intensité de l’ombrage.
Agrivoltaïsme : produire mieux, plus vert et plus résilient
L’agriculture photovoltaïque offre une palette d’avantages concrets pour les exploitations agricoles comme pour les territoires :
- Résilience des cultures : les plantes sont moins soumises aux stress hydriques et thermiques grâce à l’ombrage partiel. Dans certains cas, cela permet une amélioration de la qualité et du rendement.
- Production d’énergie verte : les panneaux génèrent une électricité locale, décarbonée, injectée sur le réseau ou utilisée sur place.
- Diversification économique : les revenus issus de la production d’énergie peuvent sécuriser les exploitations face aux aléas des marchés agricoles ou climatiques.
En plus de ces bénéfices concrets pour les exploitations agricoles, l’agrivoltaïsme a son rôle à jouer dans le cadre des objectifs nationaux de décarbonation. Si l’on en croit les avis de l’ADEME, un développement ambitieux et à grande échelle du photovoltaïque sera clé pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de 2050.
Un encadrement nécessaire pour des innovations agricoles responsables
L’agrivoltaïsme n’est pas une solution miracle ou un simple levier financier. Mal conçu, il peut entraîner une perte de souveraineté agricole, favoriser des projets opportunistes ou nuire à la biodiversité.
En France, un cadre réglementaire strict encadre de toute façon l’agrivoltaïsme, depuis l’adoption de la loi APER en 2023. Son objectif : garantir que cette innovation agricole serve d’abord les intérêts du monde rural tout en répondant aux enjeux énergétiques.
L’installation de panneaux solaires agricoles ne pourra ainsi se faire que si les fonctions agronomiques du sol sont respectées et les équipements réversibles. La loi insiste également sur le fait que le déploiement de l’agrivoltaïsme ne se résume pas à un complément de revenu pour les exploitants.
L’installation agrivoltaïque est avant tout au service des plantes et du bétail. Concrètement, elle doit améliorer au moins l’un des services suivants :
- le potentiel agronomique,
- le bien-être animal,
- la résilience face au changement climatique,
- ou la protection contre les aléas météorologiques.
Chaque installation doit ainsi être rigoureusement évaluée à l’aide d’indicateurs mesurables, afin d’assurer la compatibilité entre cultures et production solaire.
Et demain ? Vers une agriculture photovoltaïque de territoire
À l’avenir, l’agrivoltaïsme jouera un rôle structurant dans l’aménagement des territoires ruraux, à condition de s’appuyer sur une culture du dialogue entre acteurs agricoles, énergétiques et publics.
L’approche agrivoltaïque permet de repenser l’équilibre entre production et préservation. Mais cette trajectoire dépend d’un facteur clé : savoir garder l’intérêt agricole au cœur de chaque projet. À la croisée de la technologie et du vivant, l’agrivoltaïsme n’a de sens que s’il respecte sa promesse d’alliance entre soin de la terre et innovations d’avenir.